33 Parfums envoûtants

Caché derrière le paravent, Calaf est submergé par les parfums qui flottent dans la chambre de Turandot. Comme dans tout intérieur de maison honorable, les encens brûlent à foison.

La capitale impériale entretenant des relations commerciales très fortes avec les villes et les royaumes voisins, les échanges de matières odoriférantes sont prolifiques. Sur les marchés, on trouve de nombreuses essences : bois d’aigle, clous de girofle, oliban, benjoin, camphre, musc, résine de liquidambar, bois de santal,…

Chez toutes les élites, on aime à mélanger ces différentes matières, créer de nouveaux parfums et mettre au point des recettes. On trouve les parfums principalement sous forme d’encens servant à embaumer l’air des maisons, ou dégageant la fumée nécessaire à la communication avec les dieux. L’essence la plus prisée est le bois d’aigle qu’on retrouve dans un grand nombre de compositions. Quant à Turandot, elle préfère le bois de santal. Pour sa préparation, il est grillé, réduit en poudre et mélangé à du miel pour obtenir une pâte odorante. Quand les affaires de l’État lui laisse un peu de répit, l’impératrice aime à créer ses propres recettes de parfum. Comme tous les lettrés, elle organise des « sessions d’encens » durant lesquelles elle respire ses encens en compagnie choisie, comme on déguste le thé ensemble ou on admire une peinture.

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Justement, lorsque que Calaf s’est apprêté à entrer discrètement dans la chambre de Turandot, celle-ci a réuni son cercle de suivantes pour humer les effluves de sa dernière création. Pour ce faire, elle a installé des brûle-parfums en argent dont la forme évoque les montagnes. Elle a également fait confectionner des sceaux d’encens dont les lignes labyrinthiques se consument peu à peu.

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Brûle-parfum boshan lu, en forme de montagne

Ce soir-là, les odeurs ne proviennent pas que des brûle-parfums. Les femmes invitées à la session d’encens avalent toutes régulièrement des capsules remplies d’épices et d’herbes aromatiques afin que leur peau exhale du parfum. Seule Turandot ne prend pas ces pilules.  De l’avis général, sa beauté est telle qu’elle laisse des effluves subtils dans son sillage.

Il est effectivement dit, dans l’empire, que le parfum d’une personne fait partie de sa beauté, tout comme son souffle de vie. Pour celui ou celle dont le parfum reste dans l’air, son âme ne meurt pas.

Sources :

  • LEFEBVRE ÉRIC (sous la direction de), Parfums de Chine : la culture de l’encens au temps des empereurs : [exposition, Paris, Musée Cernuschi, du 9 mars au 26 août 2018], Paris : Paris-Musées : Musée Cernuschi, 2018.
  • CHENG François, Cinq méditation sur la beauté, Paris, Albin Michel, 2006.

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